Loneliness

Loneliness

mardi 5 février 2008

Près de la fenêtre...


Près de la fenêtre, face à la rue qui déroule ses kilomètres vers un ailleurs indéfini, mon regard accroche la lumière de la colline environnante. Immobile, soudainement quiète au profond et au-delà des sens habituels … réalité, miroir, reflets … que sais-je ? Tout se trouve confondu dans un instant de paix inimaginable ! La colline, immobile, et ce moi, oui moi, moi qui regarde hors de la fenêtre, immobile aussi, contemplant.
Que sais-je d’elle, de la colline, que sais-je de qui, la contemple ?

Que sais-je de moi, de nous, du regard, de la fenêtre, de la rue qui déroule ses kilomètres que quelque autre regard tronçonne et mesure ? Que sais-je, que savons-nous de la colline qui paraît, en deçà de son immobilité, frémir sous l’air du temps que la pensée désigne quelque instant à l’extérieur du regard tranquille. Que veux dire cet instant qui se creuse au fond du regard, qui se gonfle et s’élargit, générant entre elle-et-ce-moi, comme un sourire de reconnaissance, une vallée en laquelle le monde défile, revêtant le site mémorisé de tous les autres paysages possibles … et tandis que les maisons de la vallée se dénudent une à une sous la force habile de la pensée qui les gomme ou les reconstruit à la lueur de la mémoire des mondes, La Nature, alentour, se tient tranquille, toujours elle-même.

Sous le regard, la forêt s’étend, se niche, dessine la colline, se moquant bien de savoir de quelles essences elle se constitue. Il n’y a que ce moi, seulement un regard, rien qu’un regard qui, par saccade se fige et croit s’animer au rythme de ses multiples interrogations : « qui est celui-ci, qui est celui-là ? Qu’est-ce que cela ?
La Nature s’indiffère de ce qu’Elle Est, arbre, ou forêt toute entière, vallée, ou colline, éléphant ou gardénia, homme de chair ou cristal, Elle Vit.
Elle vit, chacune des fractions animatrices de l’intelligence qui la compose, comme une symphonie, toujours inachevée.
Ce ne sont que des éclats de « moi », des personnages, d’ombreux reflets du Soi animés d’un mouvement virtuel, alourdis et embarrassés par le flot de leurs faire, qui étiquettent ce qu’ils croient voir, en terme d’objets, et déclarent formellement toute vision comme une nécessaire possession. Ne souhaitant rien lâcher, de peur de ne plus exister, ils nomment et catégorisent ce dont La Nature s’indiffère en vivant chaque fraction modulable de ce qu’Elle Est, Tout Cela.

Dans le centre du regard qui cohabite avec Elle et en Elle, sinon la distinguerait-il, la colline se dissout, n’offrant plus d’espace pour se différencier dans le voir … il n’existe plus de différence que pour le savoir, dans la mémoire de ce qu’elle est là et que corps est là, la contemplant, soudés par l’instant communicatif, particulièrement relationnel.
Silence, immobilité, immuabilité, amour.

Le « je », reste là, c’est sûr, enregistrant, mémorisant sans le vouloir ni le savoir, l’instant sublime d’une rencontre immortelle. Mémoire … d’une couleur intensément vivante, verdoyante d’une atmosphère irisée de mille et mille vies se côtoyant sans se heurter, dans un espace qui cependant enregistre et inscrit l’instantané des formes multiples que peuvent prendre les mondes de conscience pré-visionnelle.

Que sais-je, que savons-nous ?

Ce « je » se tient debout, semble-t-il, devant une fenêtre qui parce que trop connue, se redessine soudain derrière l’œil encore agrandi, plein du souvenir des lacs, des océans, des pays et des villes, des couleurs et des sons qui sont venus se faire voir, d’un seul mouvement du regard, au creux d’un espace tranquille entre une colline et un moi, la contemplant.

Et, tout est là, encore … incorruptible … Mémoire ! La forêt qui trace la colline sans aucun arbre décidé à dissimuler l’unité de son dessin. La vallée, sillonnées d’avenues, de rues, d’habitations grouillantes d’un peuple d’agités qui se pressent, se croisent, se bousculent sans se voir. La maison, en laquelle ce « je » se tient, étageant par paliers des êtres qui ne communiquent qu’à l’occasion de quelques bavardages de politesse oblige : « Avez-vous vu le temps qu’il ne fait pas bon voir en ce moment ? ». Et les paroles tristes et vaines derrière les sourires de façade craquelée, mouille et détrempe les ailes de l’amour qui se voile et se tient au secret, au fond des cœurs que personne ne sent vibrer tant trop occupé à ne se préoccuper que de l’organe qui palpite, se desséchant, peu à peu, sous l’effet des fibrillations intermittentes que génèrent toutes les peurs inutiles.

Les fleurs sur le balcon, ne se rient point trop du vent qui les frôle parfois comme un amoureux sournois, prêt à vibrer d’une claque retentissante pour les jeter à terre, écarteler leurs bras graciles, écimer leurs tendres têtes qui vacillent sous les chocs. Identiques, à leurs amies de la colline, patientes, plutôt que soumises, elles s’offrent, prêtes à mourir sous la force innocente de la pluie qui les frappe et les humecte, aussi, d’un nectar qui les fera belles, à voir.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

En une infinie quiétude les fleurs se laissent prendre au jeu, au gré des vents et pluies, sans aucun sens des contraires ou des bénéfices.
En une parfaite harmonie à la colline et à son jardin sustenté, Muttifree se laisse prendre au jeu de la vie, toujours, sans aucun sens évident pour les peurs -partagées par les autres qu'elle - sur les intempéries ou jeux innocents de l'esprit, les bras de fer qui usent et obligent les autres qu'elle à la résistance... Elle lâche prise, mon Amie, depuis bien des temps, sous la force innocente du divin nectar qui la rend belle.

Muttifree, Eilah taN aime ton écriture et ton âme...
Et tu le sais, déjà.

A tout bientôt, ton amie,
Eilah

Anonyme a dit…

Vive ce texte pour les coeurs consumés par l'amour de la belle prose...
Vive Multifree, elle est une fleur sans épines prête à nous porter sur le sentier de la beauté...

Merci à toi de nous livrer ces mots en partage, bien tendrement, Marie.
© La Poétaniste

MUTTI a dit…

Merci ma douce Eilah, mais ton écriture témoigne aussi de cette aptitude à se laisser être, accompagner par les douceurs aussi bien que par les vents de la Vie, et à vivre en synchronicité avec ce qui est bien sûr... mais aussi avec ce qui advient...

Never Lost...

MUTTI a dit…

et toi douce Marie, biennommée la poétaniste... toi que l'amour consume et ranime incessamment, merci d'être ce que tu es ici et maintenant, jusqu'à la petite faute de frappe qui sonne comme un nouveau baptême faisant de Muttifree, une Multifree, libre libre en quelque espace qui fut, est et sera...

Tout tout tendrement.

Guelum a dit…

Un beau regard, très pur : j'ai aimé lire ce texte. On sent se lâcher prise et cette focalisation (dans le sens du regard porté) vers cette nature extérieure et sa bonté et sa beauté. Cette nature que tu sembles laisser apparaitre en arrière-plan justement dans ton fond intérieur ...

Anonyme a dit…

Chère Muttifree,

Les yeux sont faits pour voir nos erreurs, heureusement l'âme sait goûter au plaisir de nous lire...

Avec toutes mes excuses, je te souhaite de passer une douce soirée, Marie.
© La Poétaniste

MUTTI a dit…

Nul besoin de t'excuser Marie, les yeux de chair finissent toujours par s'accorder au regard de l'âme pour doucement s'amuser... d'une simple faute de frappe... sans conséquence aucune.
Je te souhaite aussi une magnifique et tendre journée.
Mutti.

MUTTI a dit…

Merci Guelum, la note intime que révèle ton écriture, résonne très fort dans le tréfonds des âmes et du coeur-esprit qui témoigne en chacun de la vision du pur, du beau, du naturel, et de la générosité universelle qui se déverse incessamment sur la toile, où chacun se découvre.... dans la Joie du Partage...

Très tendrement.

Ariaga a dit…

Ton texte et l'illustration qui va avec, sont d'une grande beauté. Tout y est, la méditation philosophique, la spiritualité, la distance, la forme. C'est rare que je prenne le temps de lire deux fois mais c'est ce que j'ai fait. Je suis heureuse car j'ai en ce moment des liens de tout premier choix et cela compense ceux qui dorment. Je t'embrasse.

manuela a dit…

Une prose merveilleusement exposé...le regard au travers de cette fenêtre magnifique qui s´ouvre à la nature, aux personnes, aux sentiments et aux émotions...divin, tout simplement...beijos.

Anonyme a dit…

Je suis venue relire...

MUTTI a dit…

Merci infiniment, chère Ariaga, je reviens à l'instant d'un petit séjour en forêt durant lequel je me suis baignée toute entière dans les sons et les beautés subtiles de la nature... La Vie est décidément un extra-ordinaire miracle...
Je t'embrasse très tendrement.

MUTTI a dit…

Douce Manuela, tu sais si bien toi-même témoigner de la douceur du coeur des êtres...
Je t'embrasse fort.

Anonyme a dit…

Petit bonjour, je reviens de ton blog photo, un régal !