Loneliness

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mercredi 28 novembre 2007

COMPASSION


[…]
Etudiant :
Rimpoché, vous avez dit que la compassion était un mauvais remède pour le moi. Pourtant, Naropa bafoue notre définition de la compassion de mille et une façons.

Trungpa Rimpoché :
On retrouve deux types distincts de compassion. Il y a d’abord la compassion réelle, la compassion directe, la compassion totale. Puis l’autre type de compassion, celle que M.Gurjieff appelle compassion idiote, c’est-à-dire la compassion névrotique, une façon servile d’essayer de satisfaire secrètement votre désir. C’est votre but, mais vous faites comme si vous étiez généreux et impersonnel.

Et.: Qu’est-ce que la compassion totale ?

T.R. : La compassion totale consiste à voir la situation telle qu’elle est, directement et entièrement. Si vous devez être dur, vous l’êtes, un point c’est tout. Autrement dit, la compassion idiote renferme une espèce d’opium – s’efforcer toujours de se montrer bon et bienveillant -, tandis que la compassion totale est plus littérale, elle discerne davantage, et elle est plus réelle. Vous êtes disposer à blesser quelqu’un, même si vous ne voulez pas lui faire de mal ; mais pour le réveiller, il se peut que vous deviez lui faire mal, le faire souffrir.
C’est précisément la raison pour laquelle la tradition bouddhique n’enseigne pas d’abord la compassion, le mahayana, mais bien le hinayana, le petit véhicule. A l’étape du hinayana, on essaie de trouver un équilibre. On cherche ensuite à exercer sa compassion, une fois qu’on a atteint un équilibre, construit la fondation. Il est impossible de travailler dès le départ à l’échelle de la compassion totale. Il faut grandir, avancer vers elle.

Et. : Je crois que vous avez mentionné plus tôt que l’un des obstacles à l’évolution dans ce sens était le besoin d’une garantie. Comment se défaire de ce besoin ?

T.R. : En prenant acte de ce besoin d’être rassuré ; il faut le reconnaître comme une effigie qui ne regarde que dans une seule direction, sans voir ce qu’il y a autour. Une effigie n’ayant qu’une seule face et peut-être même un seul œil. Elle ne voit pas autour d’elle ; elle ne voit pas l’ensemble de la situation. Vous saisissez à quoi je veux en venir ?

Et. : L’effigie ne regarde que dans une seule direction. Est-ce que c’est la personne qui a besoin qu’on la rassure ?

T.R. : Oui, parce que la garantie doit se rattacher à cette situation unique. Chaque fois qu’il faut vous sécuriser, ça veut dire que vous avez une idée fixe de ce qui devrait être. Et cette pour cette raison que vous fixez votre regard sur une seule situation, un élément particulier. D’ailleurs, ces situations que l’on n’observe pas parce qu’on veut être rassuré, ces situations qu’on n’examine pas, sont une source de paranoïa. On aimerait être capable de couvrir tout le terrain, mais comme c’est impossible psychologiquement, on doit s’efforcer de s’en tenir à cet élément unique autant que possible. Le besoin de garantie n’a donc qu’un seul œil.

Et. : Et quel est le moyen d’aller plus loin que cette vision a un seul œil ?

T.R. : Faire naître d’autres yeux au lieu de n’employer qu’un radar unidirectionnel. Rien ne vous oblige à fixer votre regard sur une seule chose. Vous pouvez, au contraire, déployer une vision panoramique, voir tout autour d’un seul coup. […]

Extrait de - « Jeu d’Illusion » Vie et enseignement de Naropa – de Chögyam Trungpa

Photo : Nuit de violence à Villiers-le-Bel (actualité sur le net)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Heureusement qu'il explique bien que la compassion totale ne vient "qu'après" un travail sur soi (Hinayana)
sinon certains deviendraient tyraniques sous prétexte de compassion ;-)

Je lie ce texte aussi au titre du livre sur la communication non-violente : cessez d'être gentil, soyez vrais !

MERCI

Anonyme a dit…

ce texte me fait beaucoup de bien. Et pour répondre à Lung ta, on a jamais fini un travail sur soi, et la compassion grandit avec. Si c'est la perfection que nous cherchons, il n'y a plus, ni travail sur soi, ni compassion, il y a l'ATTTTTEEEEEEEEEEEEENte interMINABLE.

Que la parano soit remplacé par le panorama; ouf!
Bonne journée à toi Muttifree