Loneliness

Loneliness

mardi 6 mai 2008

ELLE (1)


Assise face à son bureau, ELLE scrute le mur blanc.

Depuis de longs mois ELLE, s’interroge sur la véracité du « voir », troublée par toutes les contradictions qui se révèlent entre ce que chacun voit de soi-même ou du monde, selon ce qu’il en exprime et de ce que elle voit ou discerne.
Toutes ces contradictions entretiennent le doute et génèrent un flot ininterrompu de questionnements.
Peut-être ne se connaît-elle pas vraiment après tout !

Parfois comme désabusée par le regard qu’elle jette presque éperdument, naviguant entre ce qu’elle voit et connaît d’elle-même, souvent al contrario du regard d’autrui (mais ne serait-ce pas plutôt une absence de regard ?), ELLE rencontre l’instant de la nécessité d’un ajustement vigilant de sa vision d’elle-même, tout autant d’ailleurs, que des affaires du monde qui l’entoure.
ELLE, souhaite ardemment un regard ajusté à la vérité, à la réalité pleine et entière des choses vues et vécues. Atteindre à une réelle objectivité lui est toujours apparue comme une gageure, en ce monde où l’emprise de la sensation agréable plus que la sensibilité règne en maître à penser.

Entremêlant l’espace et le temps qui lui apparaissent ni divisibles, ni dissociables, ELLE entreprend dès lors, de passer en revue toute la vision conservée des jours passés.
Réviser ses propres atteintes subjectives, observer crûment les pensées et les gestes réactifs émotionnels auxquels elle s’est vue tant de fois psychologiquement soumise, scruter sincèrement les actes commis souvent par sujétion à l’environnement, parfois intentionnellement, sans le pouvoir cependant, de mesurer vraiment la densité, la réalité profonde de l’intention.

Trop de jours passent sans que rien ne vienne effleurer, toucher, faire croître la conscience.

N’extrapolant point encore sur le résultat des possibles découvertes, ELLE s’avise toutefois que cette recherche, volontaire, exige une discipline, une vigilance incessante, une attention sans faille des actes majeurs et mineurs qu’elle se destine à re-visionner dans le but de traquer le vrai du faux, de s’absoudre du mensonge qui sans doute se perpétue encore en elle, même aujourd’hui sur de minimes instantanés, pourtant d’importance capitale.
En première instance, l’intense vigilance du regard est requise.
Regarder … est un acte d’apparence simple sauf lorsqu’il s’agit plutôt de Voir, justement, ce que cache l’apparence et de déceler ce que l’acte de regarder en surface pourrait dévoiler en plus grande profondeur.
Voit-on toujours, réellement, ce qui est, se dit-elle, ou bien contentons-nous de regarder ce que l’on pense, ce qui revient à dire, ne nous contentons-nous pas de voir ce que nous voulons voir, faisant fi de la vérité de manière incessante ?

ELLE se souvient d’une ébauche de sa réflexion, assez vite rendue au silence, par crainte de conflits majeurs avec sa mère. Dans les faits du quotidien le pointu du regard mettant en exergue une certaine finesse de vision s’est exercé à de nombreuses reprises et si elle Voit sa génitrice, cette dernière, c’est certain, ne la Voit pas. Plus encore, le regard maternel s’auto aveugle pour conserver plus ou moins consciemment un regard agréable sur sa propre personne. Découvrir en soi des manifestations, jugées par le monde moral ou bien pensant, négatives, mauvaises ou malsaines, n’est pas facile à vivre.
Si le regard accepte certaines tendances, c’est au prix d’un mental indulgent envers soi-même et particulièrement sévère et critique envers autrui.
Conserver une bonne image de soi pour survivre psychologiquement représente, véritablement, la main- mise du mental déversé sur le regard, soumis dès lors, au paraître.
Ici, ELLE, ne pratique aucunement une critique acerbe de sa mère, simplement la flamme ardente de son Amour filial, l’enseigne ; il existe tant et tant d’individus procédant à l’identique, que la tactique mentale dont ils sont devenus les otages inconscients lui est devenue familière.

Aujourd’hui encore, à chaque apparition de cette tactique si tranquillisante pour celui qui en use sans même le deviner, ELLE, pose, simplement son regard, lucidement neutre, tranquille.
La tactique est fascinante. Ecoutant, puisque l’œil ne peut que rarement se séparer de l’oreille, elle observe avec aisance que ces êtres se sont bel et bien vus en vérité, et comment, avec une rapidité vertigineuse leur étonnante capacité mentale redresse la barre, leur permettant de trouver toutes les meilleures raisons d’avoir pensé, parlé, agi, de telles ou telles façons.
Si ELLE, croyait au Ciel à la manière de tout un chacun, elle le remercierait de ne pouvoir manifester qu’une certaine lenteur d’esprit, une lenteur bienfaisante, qui lui permet des arrêts sur images intéressants et efficaces.

Ah … La lenteur d’esprit …

6 commentaires:

Marie a dit…

Le vide des lentes journées n'est-il pas nécessaire afin qu'Elle se découvre au plus profond?
Pour qu'Elle accepte les affres du Doute Libérateur?
Pour qu'Elle ignore l'absence de regard des êtres désolés?
Pour que la main-mise du mental s'estompe et disparaisse?
Elle ne peut remercier car Elle sait que le Ciel palpite dans son coeur,
Le mur blanc lui renvoie amour et fraîcheur.

Toute ma tendresse, ma chère Mutty.

Lotusblanc.

MUTTI a dit…

Le mur blanc, tel un écran magique, lui envoie le reflet des souvenirs sans poids et lui conte une histoire étrange dont sa main veut ressentir et toucher la trame.
Elle remercie sans trêve pour tout ce qui fait vibrer son cœur.
Et ce mur blanc imprime le reflet de la tendresse soyeuse d’un Lotus Blanc…

Toute ma tendresse partagée, chère Marie.

Guelum a dit…

J'ai la chance de ne pas compter les heures de ce soir, ni celles de demain et de me laisser conter lentement ce qu'ELLE voit, ce qu'ELLE ressent. On voudrait être hier, même enfant, avec nos yeux d'aujourd'hui pour y voir autrement. On voudrait être aujourd'hui, avec nos yeux d'enfant pour y voir encore plus, encore mieux; pour y voir sans attendre, sans rien espérer que de voir.
ELLE se voit elle, ainsi, avec tout ces regards différents : un oeil change, un être change; la vérité, n'est que la vérité d'un endroit, d'un moment.
C'est ce que j'ai ressenti en lisant ton texte, ce cheminement, ces passages qui créent ces différents points de vue et ce questionnement à la vision des différences : avec une écriture qui m'a beaucoup séduit encore.
Bises.

MUTTI a dit…

Guelum, tu le sais, je te dois cet instant, ce désir, cette joie renouvelée de laisser la main parcourir le papier tandis que le regard se pose, en visiteur quelque peu inquisiteur, sur le tissu du temps, sur le fil noué de la mémoire... de tout coeur, Merci.
Bises.

Anonyme a dit…

Ah, la lenteur d'esprit ..
Lorsque tout simplement
on s'applique à prendre le temps
de suivre les chemins qui ignorent la ligne droite ..
que de saveurs à l'ombre de ces heures..
Merci pour ce partage délicat .

MUTTI a dit…

Merci à toi Lilou, pour tes résonnances poétiques toujours si pures et si justes...