Loneliness

Loneliness

lundi 16 février 2009

Le Marcheur...



Il a beaucoup marché, ses pieds l’ont emporté, l’ont guidé.

Il s’est assis ici, puis là, et toujours ses pieds d’ailleurs en ailleurs l’ont transporté. Jamais lassé de marcher, il écoutait, doucement il respirait, il absorbait les voix, les mots, les idées.
Jamais en un lieu il ne s’est installé.

Il laissait chaque mot se résoudre, se dissoudre dans les flots pulsants de son sang.
Ses pieds l’ont emporté. Il existe tant d’ici et tant de là…pour sentir, pour goûter, pour entendre et comprendre, pour discerner la profondeur, l’essence même de ce qui veut se prononcer.

Des mots jamais il ne s’est soucié.
Des divisions, des différences, de chacune se proclamant unique vérité révélée, jamais son cœur ne s’est enflammé. Jamais il ne s’est précipité.
De ce qui se s’exprime ici, de ce qui se chante là pour autant qu’il en fut clamé, harangué, jamais il ne s’est méfié. Toujours l’amour à son oreille s’est relié.

De tous ces composés de la pensée, avec amour, sans gourmandise il s’est délecté, avec patience, tranquillement il a goûté tous les nectars ainsi extériorisés… en tous lieux il s’est désaltéré.

Sans faim, ni soif, il continue de marcher… en son cœur n’existe aucun chemin...
dont il pourrait connaître...
la fin…


Mutti

vendredi 13 février 2009

Lupercalia...

C’était hier…
Nous sommes à Rome, c’est la fin de l’année. Le temps de la communion, de la purification.
Des prêtres, les Luperques s’empressent à la préparation de leur office, tandis que dans chaque maison, hommes et femmes s’emploient à nettoyer toutes les pièces de leurs habitations les aspergeant de sel et de blé.
C’est le temps de « februa »
L’antique voie initiatique du totémisme végétal va suivre son cours.
Toute la population est en effervescence et attend dans la fièvre le moment où les prêtres procéderont au sacrifice.
La cérémonie commence.
Nous sommes près du mont Palatin, dans la grotte du Lupercal, là même où Romulus et Rémus ont été allaité par la louve.

En appel à la bienveillance du dieu de la Nature féconde, une jeune vierge s’installe sur l’attribut viril de la statue divine. Immobile, elle suit furtivement du regard la litanie des offrandes animales jusqu’à l’instant des immolations sacrificielles.
Deux jeunes hommes s’avancent devant l’autel.
Un prêtre, pose sur leurs fronts le couteau rituel ensanglanté qu’il tient à la main, puis lestement, à l’aide d’un tampon de laine imbibé de lait, il essuie enfin les marques sanglantes.
Eperdus d’émotion, mais heureux et soulagés, les jeunes hommes éclatent de rire, exprimant leur joie de cette renaissance.
L’instant marque le départ d’une liesse communicative.

Tous quittent la grotte et le mont Palatin et se dirigent, au pas de course, vers la ville.
Toujours sous la présidence rituelle du dieu de la Nature féconde, qu’accompagne Dea Luperca, la déesse mi-louve-mi-chèvre, la population s’épand en courant dans toutes les rues de la ville. Tous les prêtres officiants sont revêtus de simples peaux de chèvres et armés de lanières de peau de boucs. Tout un flot de jeunes femmes enceintes ou en quête de maternité accourent au devant d’eux. La déesse et le puissant dieu Faunus Lupercus, autorise l’espoir, s’unissent en promesse de fécondité.
L’espoir efface toute crainte, les femmes se précipitent d’elles-mêmes sous les coups des lanières, aspirant à recevoir la flagellation. Enceintes, ou se croyant stériles toutes entrevoient le possible d’une grossesse, de moindres douleurs à l’accouchement ou encore d’une bienfaisante montée de lait…

Le rituel générateur d’espérance se termine.
Bientôt chacun déroulera ses pas vers le Banquet.
Les jeunes filles déjà, ont inscrit leur prénom sur un parchemin et l’ont jeté dans une immense jarre que les jeunes hommes viendront tirer laissant le sort leur désigner leur compagne de table.
Nouvelle présidence de dieux… Eros et Junon officient… l’amour et le mariage dansent autour des convives….

… Les dignitaires de la chrétienté n’apprécient guère ces rites et ses fêtes païennes. Un grand nombre s’essaieront à les faire disparaître… en vain….

Jusqu’à ce que Gelase 1er, en 495 déclare le 14 Février

Fête de Saint Valentin


lundi 9 février 2009

Aux Vents d'Hildegarde...


1098… Une naissance miraculeuse, une âme s’incarne pour au-delà des mots, au-delà d’une langue chrétienne entretenue par le cycle en présence, pour témoigner de l’Inconnaissable en l’Homme.
1098… Hildegarde de Bingen est née à l’existence.

Neuf cent onze révolutions du temps humain viennent de s’écouler.
Elles dessinent sous l’arc du regard la forme de l’oubli, réduisent et ridiculisent les plus sublimes traces des amoureux fervents de la Vie et de son Etre.
Qu’importe le langage des temps, accordé aux humeurs délictueuses, aux croyances délétères, aux dénis de l’orgueil, l’empreinte des visions gnostiques actualise au monde de l’ici et maintenant, le mouvement perpétuel de l’onde de Vie en ses cycles évanescents.
De la mémoire profonde surgissent en flots puissants le ministère des Vents.
Des quatre contrées, des quatre faces de l’Univers, l’archétype animalier de ces puissances révèle au carrefour de la croix cosmique, les soucieuses tentations de l’homme, éperdu, écartelé entre doute et certitude, entre espoir et désespoir.
La roue cosmique se meut tranquillement, sans une once de grincement, indestructible, sûre de son cheminement guidée par le souffle des Vents. Frères d’armes et d’actions pour enseigner l’homme sourd et aveugle, ils maintiennent l’énergie de l’Univers en équilibre parfait.

Le vent du Sud surchauffe l’atmosphère, enlace l’air qui devient canicule et tourmente l’eau qui s’élance en vagues déferlantes, inondant les terres.
Le vent du Nord vrille au ciel la fulgurance des éclairs, la clameur du tonnerre, gicle en grêle, l’enveloppe d’une glaciale couverture.
De l’Est et de l’Ouest le souffle des frères glisse les affres de la contradiction, froidure ou grande sécheresse en été, irradiation solaire en hiver… l’homme éperdu d’incompréhension atténue l’agitation, se tient coi, comme en retenue.
Soumettant l’orbe terrestre à leurs énergies volontaires, les Vents exécutent l’œuvre magistrale du Souffle primordial permettant à l’homme de comprendre les actes qu’il projette….

L’apprentissage est difficile. L’homme se pense surhomme, maître du temps, maître de l’espace et de la terre. Il craint mais n’entend pas le souffle des Frères.
Son œil, comme un soleil au centre d’un ciel laiteux, tel un vase qui contiendrait un miroir, ne perçoit plus la limpidité des eaux et des souffles cosmiques…

Quelques feuilles de papier s’envolent, éparpillés par le souffle des Vents… leur existence oubliée porte l’empreinte des cycles du Logos et prouve l’existence de l’infinie sagesse de tout le cosmos…

Muttifree



« Au milieu de la poitrine de la figure que j'avais contemplée au sein des espaces aériens du midi, voici qu'apparut une roue d'une merveilleuse apparence. [...] La figure de l'homme occupait le centre de cette roue géante. Le crâne était en haut, et les pieds touchaient la sphère de l'air dense, blanc et lumineux. Les doigts des deux mains, droite et gauche, étaient tendus en forme de croix, en direction de la circonférence, les bras de même. [...] Au-dessus du chef de ladite figure se faisaient face les sept planètes. »

Hildegarde de Bingen - De modu visionis suae.

mercredi 4 février 2009

Premier Mercredi ...


Premier mercredi du mois.
Une sirène entonne la litanie du rappel…
A la lisière de deux communes, un décalage de secondes entretient la sourde gravité de l’écho.
Longue et sombre stridence. Un bébé ensommeillé sursaute et pleure.
Longue et sombre stridence… des souvenirs de guerre repeuplent l’esprit des anciens.
Les plus jeunes interrogent ; se font raconter l’angoisse.
D’oreille en oreille se gravent les outils de la peur.
D’oreille en oreille s’articulent sournoisement les anneaux du devoir de mémoire.
Premier mercredi du mois…
A perpétuité le rappel du danger, l’écho de la division entre les peuples.
A perpétuité l’entretient de la machine de guerre.
A perpétuité le mirage de la sécurité.
A perpétuité le tueur en série des frêles pensées de paix.
D’oreille en oreille le devoir de mémoire alimente l’hier, le révolu.
D’oreille en oreille, ce faux devoir avorte le présent… organise le « no future »…

D’oreille en oreille le devoir de mémoire assassine l’innocence.


* * *

Et pourtant…

« Les jours où le ciel est gris, le soleil n’a pas disparu à tout jamais. »

Arnaud Desjardins